Nanni Balestrini, Gli Invisibili, 1987

ob_762b78_3157876-3-3c98-milan-1977-c8d9ef7b0b550f6cdf3039 Les Invisibles est un de ces livres rares qui change notre façon de voir, de percevoir les choses et le monde. Un livre sans compromis qui ébranle notre état quotidien de robot somnambulique. Nous réveille de plein fouet brisant les normes et les règles dans lesquelles on vit encastrés. Comme anesthésiés. Un de ces livres qui vous donne le vertige, porté par la contestation et le militantisme des « années de Plomb » en Italie. Par l’activisme d’une génération de garçons et de filles, qui dans les années 70 et 80, perdront, sous les coups d’une répression dure de l’Etat, leurs idéaux, leur liberté et, souvent même leur vie. Le prix à payer pour oser sortir et crier.

Entre éphéméride d’un militant et chronique d’une incarcération, Les Invisibles raconte avant tout l’histoire de Sergio, engagé dans la lutte armée, qui écope des années de prison pour insurrection. Une chronique qui témoigne des actes de violence, des sanctions quotidiennes, des rapports de force subis dans l’isolement carcéral. Qui relate les heures passées dans une cellule étouffante où Sergio se voit d’extrêmement loin. Du fond d’un abîme. Chronique des espoirs fusillés de ceux qui hurlaient sans bruits emmurés dans les sordides prisons italiennes. Réduits au silence. Rendus invisibles. Italy70

« Je me sentais mal et puis il y a eu aussi tout de suite le désarroi comme se sentir fatigué une fatigue immense déprimante qui m’empêchait de rester debout qui me faisait les jambes molles je me suis jeté sur le lit les inscriptions sur le mur se brouillent ça fait un tas de signes indéchiffrables mêlés aux taches d’humidité aux boursouflures du mur écaillé aux fissures du sol à cette lumière aveuglante qui m’éblouit je me tourne sur le côté face au mur et devant mes yeux il y a ces taches marrons ces éclaboussures ces virgules qui couvrent le crépi jaunâtre et humide et d’un coup je n’ai plus de doutes maintenant plus de doute sur ce que sont de quoi sont faites toutes ces taches cette couleur maintenant je sais ce que c’est et ces taches marrons qui ont giclé partout sur les murs de la cellule. »

Nanni Balestrini, Les Invisibles, P.O.L, 1992.

Article paru dans DOUBLE n°25 en mars 2013.

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4 commentaires pour Nanni Balestrini, Gli Invisibili, 1987

  1. « aucune ponctuation, mise en page aléatoire
    erreur à l’imprimerie ou choix éditorial ? » , l’avis d’un client Amazon.
    Qui croire ?

  2. Oh là là! J’hésite entre rire ou pleurer!

  3. Heol dit :

    « notre état quotidien de robot somnambulique »; quel beau résumé de notre époque où l’apathie, le cynisme et la médiocrité sont légions. Merci pour tous ces posts de blog toujours bien avisés.

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